Le Mudac de Lausanne explore le monde du créateur de Tintin

Les Nouveaux Exploits de Quick et Flupke, gamins de Bruxelles, 1934. © Hergé-Moulinsart 2016

Les Nouveaux Exploits de Quick et Flupke, gamins de Bruxelles, 1934. © Hergé-Moulinsart 2016

 

En cette fin d’année, le Mudac à Lausanne propose un retour en enfance à travers une rétrospective sur les voyages de Tintin et sur la vie de son auteur, son père. L’exposition «Le monde d’Hergé» accueille le public «de sept à soixante-dix-sept ans» jusqu’au 15 janvier 2017.    

Ekatérina Soldatova
12 décembre 2016

 

Un dessinateur de presse devenu une grande figure du comic strip, la BD à bulles, un personnage aux traits plutôt simples devenu un héros: le jeune Georges Rémi dit Hergé (initiales inversées de son vrai nom) a rapidement séduit les lecteurs et pas seulement ceux de Belgique, son pays d’origine. Comment est-il parvenu à un tel succès?

La réponse est probablement le talent et l’acharnement. Cette furie du dessin apparaît surtout lorsque le visiteur se retrouve devant les esquisses réalisées à la mine de plomb sur un papier à dessin prêt à être troué par ce bon coup de poignet. Mais l’exposition du Musée de design et d'arts appliqués contemporains (Mudac) montre également la capacité de Hergé à s’organiser et à tisser un fil rouge dans chacun de ses récits, notamment grâce à de nombreuses recherches.

L’auteur belge a toujours pris la peine de se documenter, de partir à l’aventure avant Tintin. Ce goût pour l’investigation est le résultat d’une collaboration avec Tschang, un étudiant chinois qui a participé à la création du Lotus Bleu. Ce cinquième album trace le parcours de Tintin en Extrême-Orient.

À cette occasion, Tschang aurait conseillé à l’auteur de se débarrasser des stéréotypes et de s’immerger dans la culture du pays exploré. Mais une autre raison explique cette envie de découvrir le monde: Hergé ne cesse de répéter tout au long de sa carrière qu’il aurait lui-même voulu exercer le métier de reporter. Son rêve s’est-il concrétisé à travers le personnage de Tintin, jeune envoyé spécial?

On a marché sur la Lune, planche 48. © Hergé-Molinsart 2016

On a marché sur la Lune, planche 48. © Hergé-Molinsart 2016

L’aspect socio-culturel n’est cependant pas parfait et Hergé le sait. Le lecteur se pose parfois la question de savoir si le dessinateur s’est totalement émancipé des clichés, surtout dans Les aventures de Tintin au Congo, une péripétie aux airs colonialistes. Au-delà de cet épisode controversé, les voyages de Tintin attirent les lecteurs par l’exotisme. Une salle réservée au projet du Lotus Bleu met bien cet aspect en avant.

Une dernière pièce, la plus spacieuse, est dédiée à un projet astronomique: le voyage de Tintin sur la Lune. Le début de l’ère spatiale a donc été lancé avant le Spoutnik, avant Apollo 11. Objectif Lune sera publié pour la première fois en 1953. Lors de la réalisation de ce seizième album, Hergé se trouve entouré par une bonne équipe. Une tâche spécifique a été confiée à chaque collaborateur. Ainsi, le dessin mécanique ou le coloriage en aplat sont réalisés par des professionnels différents.

L’aptitude à s’organiser et la minutie sont plus que jamais perceptibles dans ce travail. Une question à la fois frustrante et provocante surgit alors: Hergé, homme de notre ère, aurait-il complètement industrialisé le neuvième art? George Rémi a souvent nuancé le propos en rappelant que son travail est artisanal et que l’envie de raconter des histoires a toujours été prépondérant. Il s’agissait d’attirer le public, pas l’argent. Le présent prouve que ses récits ont été bel et bien réussis: après le départ d’Hergé, Tintin est encore en vie.

Les Aventures de Tintin. On a marché sur la Lune, 1954. © Hergé-Moulinsart 2016

Les Aventures de Tintin. On a marché sur la Lune, 1954. © Hergé-Moulinsart 2016

 
Ekatérina Soldatova