Banque Heritage: un haut cadre condamné par le TPF

© Alberto Campi / Genève / Décembre 2017

© Alberto Campi / Genève / Décembre 2017

 

Responsable de la division compliance, il avait tardé à notifier aux autorités financières que des sommes douteuses avaient été déposées auprès de son établissement. Des sommes liées au scandale Petrobras.

 

Federico Franchini

13 janvier 2018

En l’espace d’à peine quelques mois, la banque genevoise Heritage, l’un des fleurons de la finance helvétique, a été frappée deux fois par la foudre. Épinglée en novembre dernier par la FINMA pour avoir «gravement enfreint le droit de la surveillance dans le cadre de l’affaire Petrobras» (lire ici), elle voit aujourd’hui son directeur général adjoint rattrapé par la justice. L’homme a été retenu coupable par le Tribunal pénal fédérale (TPF) de violation de l’obligation de communiquer, prévue par l’art. 37 al. 2 de la Loi sur le blanchiment d’argent (LBA).

Responsable de la division compliance, il avait tardé à notifier au MROS, le bureau de communication en matière de blanchiment d’argent, que des sommes d’origine douteuse avaient été déposées auprès de son établissement. Derrière ces versements, on retrouve Forbal Investment Inc, basée au Belize, dont l’ayant droit économique était Nestor Cervero, un ancien directeur international de Petrobras, arrêté le 15 janvier 2015 au Brésil et condamné à plus de 27 ans de prison pour corruption et blanchiment d’argent.

En Suisse, les rouages de la justice ont commencé à s’animer fin août 2017. Le Département fédéral des finances (DFF) rend un prononcé pénal (lire ici) contre le membre de la direction générale d’Heritage, seul responsable juridique, compliance et risques de l’établissement.

 

Soupçons fondés

Frappé par une amende de 30’000 francs, ce dernier demande à être jugé par un tribunal, espérant renverser le jugement du DFF. Le dossier passe au TPF, où la défense du haut cadre d’Heritage a plaidé l’acquittement, assorti de l’octroi d’une indemnité.

La décision est tombée le 19 décembre mais elle a été communiqué seulement cette semaine. Comme le demandait le DFF, le dirigeant a été retenu coupable d’infraction à l’obligation de communiquer et condamné à une amende de 15’000 francs (plus 5’000 francs de frais de procédures). La jurisprudence a retenu que si l’intermédiaire a un simple doute sur le fait que, par exemple, les valeurs patrimoniales proviennent d’un acte criminel, il doit faire une communication au MROS. Si la communication est omise ou est faite de manière tardive, le responsable peut être coupable d’infraction au droit de communiquer.

«Dans la mesure où la communication doit intervenir immédiatement lorsqu’on a des soupçons fondés, il est clair que le retard peut être sanctionné par l’art. 37 LBA. Le jugement confirme donc un point juridique incontesté», analyse Ursula Cassani, professeure à la Faculté de droit de l’Université de Genève. «Par ailleurs, le caractère tardif semblait clairement établi dans le cas d’espèce. Des éléments de suspicion existaient fin septembre 2014, les vérifications se sont étendues sur deux mois, ce qui n’est pas jugé excessif. D’après le jugement, le devoir existait à partir du 1er décembre 2014, et l’auteur a encore attendu presque deux mois pour communiquer. Avec la meilleure volonté du monde, on ne peut pas dire que cette communication est intervenue immédiatement.  Le jugement ne me paraît pas sévère, ce d’autant moins que seule la négligence est retenue

Avec deux mois de retard, le 27 janvier 2015, le service compliance de la banque décide de communiquer au MROS, après avoir appris, sur la base de plusieurs articles de presse, que, Nestor Cervero avait été inculpé, en décembre 2014, pour corruption et blanchiment d’argent par le Procureur fédéral brésilien. En l’espèce, Nestor Cervero a été qualifié de PEP (personne exposée politiquement).

Ainsi, le cadre bancaire d’Heritage, responsable de la compliance de la banque, n’a pas prêté le soin commandé par les circonstances. Pour le TPF, «il aurait dû examiner de manière plus attentive et critique les éléments pour arriver à la conclusion qu’il y avait plus d’éléments fiables et d’indices convergents vers le blocage des avoirs que d’élément non corroboré infirmant ledit blocage des avoirs au Brésil. En ce sens, il a agi avec négligence et s’est rendu coupable d’une infraction à l’art. 37 al. 2 LBA». Contacté, l’avocat de l’accusé n’a pas souhaité commenter la décision du TPF.

 

 
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