Élection au Conseil fédéral, comme un goût d’inachevé

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Fabio Lo Verso

20 septembre 2017 — On aura à nouveau vécu ce matin le quart d’heure d’illusion qui précède l’élection d’un conseiller fédéral. L’illusion que les choses peuvent changer. Mais l’Assemblée fédérale est restée fidèle au système de la concordance, qui souffrait de l’absence d’un Tessinois au Conseil fédéral.

Ignazio Cassis a gagné, mais la Vaudoise Isabelle Moret et le Genevois Pierre Maudet n’ont pas perdu. Particulièrement ce dernier, dont l’habile et perçante campagne électorale a fait grimper sa cotation fédérale à deux doigts du sommet. Deuxième, le conseiller d’État genevois obtient un très bon score (90 bulletins contre 125 pour Cassis et 28 seulement pour Moret) mais trompeur au regard des compétences montrées sur le terrain.

Mal lui en a pris, abattant son «atout femme», Isabelle Moret a réveillé le démon de la misogynie, tapi dans l’ombre d’une société qui peine à marcher sur le chemin de la parité. Le médiocre résultat de la conseillère nationale ne parvient pas à dépasser les arrières-pensées — ou préjugés, c’est selon — qui ont éclaboussé sa campagne.

Le vainqueur, Ignazio Cassis, demeure, lui, la figure de proue d’un système opaque que le discours anti-lobby, grandissant dans le pays, a voué aux gémonies. Son investiture ne dissipe pas pour autant une zone d’ombre dans son curriculum vitae: sa dette politique envers les groupes de pression.

Pour les deux candidats déçus, les hommages pleuvent unanimement… après l’échec. Mais le feu risque de couver pour un moment sous les cendres.

Les pro-Moret rumineront l’indigeste équation finale: un scénario avec deux Vaudois (Isabelle Moret avec Guy Parmelin) exclut la présence de trois femmes au Conseil fédéral (avec Doris Leuthard et Simonetta Sommaruga).

Pour leur part, les pro-Maudet ne pourront pas faire l’économie d’une clarification avec l’aile du parti libéral-radical figée sur le conservatisme. L’occasion, peut-être, d’une mise au point sur la capacité du Conseil fédéral, embastillé dans et par la concordance, de faire face aux défis du moment: la perfide menace terroriste, le regain de tension nucléaire et la robotisation du marché du travail, avec la montée en puissance de l’intelligence artificielle.

Renversante perspective, des trois candidats, Ignazio Cassis a souvent été dépeint par les médias comme… le moins compétent. Rendant encore plus aigüe cette interrogation: ce mini-puzzle fédéral de sept pièces «helvétiquement» assemblées est-il toujours outillé pour guider la Suisse dans un environnement de plus en plus hostile (lire aussi mon éditorial Mirages d’un été fédéral)?

La victoire d’Ignazio Cassis achève d’éluder la réponse à cette question qui, élection après élection, laisse un goût d’inachevé.

 
ÉditorialFabio Lo Verso