Lobbying, le rappel des urnes

 

 

 

Fabio Lo Verso
22 février 2017

Une industrie semble insensible à l’hystérie qui gagne les États-Unis et le reste du monde: le lobbying. Vu les circonstances, le métier de trafic d’influence peut même voir la vie en rose. Les crises se règlent en coulisses, où les lobbyistes ont gagné au fil des ans une parcelle de pouvoir qui s’élargit davantage à chaque scrutin. Devant la foule clairsemée du Mall National, à Washington, Donald Trump aurait pu dire merci au système électoral étasunien mais aussi à ces réseaux de l’ombre qui ont efficacement marché pour lui.

Le président élu a montré à quel point il leur était redevable, les noms de son gouvernement contredisant ses promesses de nettoyer Washington des... lobbyistes. Un point de son programme que seuls les crédules ont avalé, tant le tissu politique est entrecroisé de ces fils occultes que personne ne peut désormais démêler.

Il suffisait de faire deux pas en arrière pour éviter de tomber dans ce piège. Avant Trump et Obama, Bush junior avait menti à l’ONU et déclenché une guerre pour récompenser les lobbyistes de l’armement qui l’avaient fait roi. Après Bush, Obama a injecté des sommes colossales dans l’économie et la finance américaines, comme jamais un président ne l’avait fait: durant sa campagne, les entreprises l’avaient inondé de dons intéressés, pulvérisant tous les records.

Avec Trump, ce système frise la perversion lorsqu’il place un climatosceptique connu pour ses liens avec le lobby de l’énergie à la tête de l’Agence de l’environnement, un ex de Goldman Sachs au Trésor, ou un anti-avortement à la Santé. Il n’y a pas de message codé dans ces choix mais une clé de lecture en fer forgé: le lobbying le plus malin et le plus hargneux l’emporte.

Confortablement installés dans leurs fauteuils sénatoriaux et dans les conseils d’administration, démocrates et républicains «établis» ont cédé la rue aux Trump Boys. Lesquels ont redécouvert que l’État américain se prêtait à être géré comme une entreprise. Une expérience qu’un certain Silvio Berlusconi avait déjà érigé en modèle.

De ce côté-ci de l’Atlantique, le lobbying n’est pas non plus un gros mot. Personne n’ignore que cette industrie est capable de déplacer le centre de gravité politique. En France, les lobbys ultra-catholiques ont propulsé François Fillon au seuil de la présidence. Avant que ce dernier soit entendu par la police sur les soupçons d’emplois fictifs concernant sa femme, les sondages le gratifiaient d’une place en finale.

Les banques et les grandes entreprises oscillaient entre ce champion de la France conservatrice et l’inexpérimenté Emmanuel Macron, un personnage couvé par les grands patrons, qui l’ont aidé à gravir bien des marches, en spéculant sur un retour d’ascenseur. Achevant de décrédibiliser le laissez-faire des années Hollande, la météoritique campagne de Benoît Hamon trahit, elle, l’effondrement des réseaux socialistes.

Disputée entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, jamais la rue française n’a été aussi allergique aux lobbys et à l’establishement. Depuis que les caisses de l’État français sont un puits sans fond, elle attend l’arrivée d’un messie qui multiplierait les pains et les poissons, réduirait les impôts des classes défavorisée et moyenne, le train de vie de l’Etat, et comblerait le trou de la Sécurité sociale. En cela, la présidentielle française risque d’être la copie de la campagne trumpienne. Les promesses à la foule, les dividendes aux lobbys.

 

Paru dans l’édition de février 2017

 

 
ÉditorialFabio Lo Verso