Macron, le président de la «confiance retrouvée»?

 

 

 

William Irigoyen
7 mai 2017

Les instituts de sondage avaient vu juste. L’axe populiste, dont les victoires de Donald Trump aux États-Unis et celle des partisans du Brexit en Grande-Bretagne notamment, étaient censées dessiner les contours, n’a pas emporté la France. Pas cette fois du moins. À 39 ans, Emmanuel Macron, le plus jeune président élu de la Ve République peut s’enorgueillir d’avoir obtenu un bon résultat: 66%, c’est presque deux fois le score de sa concurrente, Marine Le Pen.

La cheffe du Front national (FN) n’a pas laissé percer sa déception. À l’entendre, son «alliance des patriotes», forte de ses onze millions de voix, représenterait désormais «le premier parti d’opposition». Elle envisage dans ce cadre une recomposition de la droite de la droite, avec, peut-être, un nouveau nom de baptême. Sera-t-elle l’architecte de ce grand chantier? Difficile de le dire pour le moment car, y compris au sein de son propre parti, des doutes sont perceptibles. Il suffit de se souvenir des mots de Marion Maréchal-Le Pen, sur une autre ligne que sa tante, déclarant, avant le scrutin, qu’un score en-dessous de 40 % constituerait un échec.

Soyons honnêtes. Une déconvenue électorale ne constitue pas forcément une défaite idéologique. Force est de constater que les idées du FN progressent depuis des années. Le vote protestataire qu’il était censé incarner à ses débuts s’est progressivement mué en vote d’adhésion. Gardons en mémoire les scores réalisés lors des précédents scrutins (régional, européen) par le FN et actons que la lepénisation des esprits n’est plus un fantasme mais une réalité. Le «John Fitzgerald français» serait bien inspiré de ne pas l’oublier.

Il est peu de dire que le prochain locataire de l’Élysée ne devra pas décevoir. Pour cela, il devra s’attaquer aux causes profondes qui font que, élection après élection, de plus en plus de Français se tournent vers l’extrême-droite. Il devra aussi prendre en compte ces 8% de bulletins blancs ou nuls qui montrent à l’évidence que le Front national, s’il n’est pas plébiscité, ne fait plus peur.

Enfin, Emmanuel Macron ne devra pas oublier qu’une partie de ceux qui l’ont porté au pouvoir sont parfois aux antipodes de ses recettes libérales, de sa conception de la société, pensons ici aux partisans de «la France insoumise» dont la figure de proue, Jean-Luc Mélenchon, promet de futurs combats, en particulier lors des législatives du mois de juin.

Ce prochain rendez-vous, de nombreux responsables politiques y ont fait référence, quelques minutes à peine après l'élection de Macron, sur les plateaux de télévision. Pour imposer une autre façon de penser la politique, de sortir du traditionnel affrontement droite-gauche, Emmanuel Macron devra disposer d’une majorité à l’Assemblée nationale. Ses proches ont annoncé que la «République en Marche» allait présenter des candidats dans les 577 circonscriptions que compte la carte électorale de France.

Face à cela, que vont faire les autres partis? Si, d’aventure, certains responsables de LR, «Les Républicains », rejoignaient la majorité présidentielle, ils s’excluraient eux-mêmes de la famille, a déclaré l’ancien chiraquien François Baroin. Et le PS? Officiellement, le parti entend présenter lui aussi des candidats contre le mouvement macroniste. Mais aura-t-il les moyens de ses ambitions lui qui a vu une partie de son état-major rejoindre le nouvel élu?

En attendant d’y voir plus clair, il faudra se contenter des images. Celles, à venir, de la future passation de pouvoirs avec François Hollande, président honni qui a félicité son successeur. Mais déjà celles que le nouveau chef de l’État a montrées le soir du vote.

Ce fut, dans un premier temps, un Emmanuel Macron empreint de gravité, promettant de défendre «la France et l’Europe», appelant à «construire un avenir meilleur», disant ne méconnaître «aucune difficulté économique, ni l’impasse démocratique, ni l’affaiblissement moral du pays», parlant de sa «responsabilité d’entendre la colère, l’anxiété, les doutes, qu’une partie d’entre vous ont exprimés».

Le même Macron gravit, un peu plus tard dans la soirée, une scène érigée à l’extérieur du musée du Louvre, donnant de la voix pour remercier ses partisans, une foule bigarrée brandissant des drapeaux tricolores. Le plus difficile commence. La France «de la confiance retrouvée» ne doit pas être une énième offre publicitaire. Sa réalisation ne saurait non plus se faire à n’importe quel prix.