Tintement de casseroles, léthargie hexagonale

 

 

 

William Irigoyen
19 mars 2017

Dans son édition du 17 mars, Le Monde donne la parole à Anne-Marie G., 60 ans. Cette retraitée de la SNCF, bénévole aux Restos du cœur de Courlon-sur-Yonne, dit espérer «trouver un candidat dont on serait sûr qu’il tiendrait ses engagements».

De tels propos, partagés par de nombreux citoyens hexagonaux, sont probablement liés à une campagne présidentielle qui fait éclater, comme peut-être jamais auparavant, le profil trouble des candidats les plus en vue. Et l’atmosphère qui règne dans certaines écuries.

Cette semaine aura vu Manuel Valls, ancien Premier ministre français et candidat malheureux à la primaire socialiste, refuser de soutenir Benoît Hamon, comme il s’était pourtant engagé à le faire. Réponse du second au premier: «En démocratie, le respect de la parole donnée, c’est important.»

À droite, nouvel épisode de la «saga» François Fillon. Bien qu’officiellement mis en examen pour «détournement de fonds publics», «complicité et recel d’abus de biens sociaux» et «manquement aux obligations déclaratives» dans l’affaire des emplois fictifs de son épouse, cet autre ancien Premier ministre a donc décidé de poursuivre sa campagne, revenant ainsi sur ses engagements. Et s’il n’y avait qu’eux.

Le Monde, toujours lui, croit savoir que Marine Le Pen ferait l’objet de deux redressements fiscaux qui pourraient mener à une forte hausse de la valeur de son patrimoine. La cheffe du Front national n’aurait pas déclaré le montant réel de ses biens.

Emmanuel Macron n’est pas en reste. Le Parquet vient d’ouvrir une enquête sur le déplacement de l’ancien ministre français de l’Économie à Las Vegas en janvier 2016. L’organisation d’une soirée aurait été attribuée sans appel d’offres à l’entreprise Havas par l’organisme Business France.

Tout Français normalement constitué – entendez par là soucieux de la morale, croyant en la politique et attentif à la probité de ses représentants – aura le tournis en ce moment, même si l’honnêteté oblige à rappeler, encore et toujours, que les citoyens sont présumés innocents tant qu’ils n’ont pas été reconnus coupables.

Pour cela, il faudrait que la justice passe et clarifie la situation. Mais ce ne sera pas le cas avant le premier tour de la présidentielle. Il faut donc se préparer à une nouvelle série de «révélations» dont l’avalanche donne à cette campagne une odeur nauséabonde.

Du coup: à quoi en seront probablement réduits ceux qui, comme l’auteur de ces lignes, attendent de vrais débats de fond sur les enjeux qui attendent l’Hexagone? À compter les mauvais points tout en essayant de ne pas tomber dans le piège du «tous pourris» puisque, parmi les onze candidats qui concourent à l’élection dite suprême, tous ne sont pas éclaboussés par les «affaires». Sauf que les sondages ne priment pas les plus intègres. Le Pen, Macron et Fillon continuent à faire la course en tête...

Ce tintement de casseroles devrait nous garder éveillés, mais c'est la léthargie qui semble s'installer. La «drôle de campagne» dévoile un inquiétant engourdissement de la morale publique. À quatre semaines du premier tour, on voit mal ce qui pourrait servir d'électrochoc.