Donald Trump, ou le terrorisme à géographie variable

 

 

William Irigoyen
29 janvier 2017

Dans la longue liste de décrets signés par le nouveau président américain figure celui du 27 janvier bloquant l’arrivée aux États-Unis, pendant trois mois, de ressortissants de sept pays musulmans (Iran, Irak, Libye, Somalie, Soudan, Syrie, Yémen) en proie au terrorisme. Précision: sont exclues de cette interdiction les réfugiés issus des «minorités religieuses». Parmi elles, les chrétiens. Le problème c'est donc l’islam.

Mais pas partout! Ainsi, le Pakistan, l’Afghanistan ou encore l'Arabie Saoudite ne sont pas visés par cette mesure. Donald Trump n’aurait-il pas suivi l'actualité? 24 morts, 90 blessés, samedi 21 janvier à Parachinar au Pakistan. Attentat revendiqué par des talibans. 56 morts, 80 blessés mardi 10 janvier dans une série de trois attentats dont celui de Kaboul, qui porte également la signature des fondamentalistes.

Ajoutons une autre information qui n’a sans doute pas dû arriver aux oreilles du président américain: le 21 janvier, deux hommes se sont donnés la mort en actionnant leurs ceintures explosives après un échange de tirs avec les forces de sécurités saoudiennes à Jeddah, la capitale économique du royaume. Pourquoi, dans sa volonté de tout mettre dans le même sac, le successeur de Barack Obama n'intègre-t-il pas la monarchie wahhabite?

Y aurait-il une volonté de ne pas froisser un allié historique de Washington? Ou le président Trump chercherait-il à protéger les affaires que le milliardaire Trump a développées dans les sept pays exclus de sa liste? C’est en tout cas ce qu’indique une dépêche de l’agence d’information financière Bloomberg*.

Cette stratégie globalisante, mais à géométrie on ne peut plus variable, risque fort de se retourner contre les États-Unis. Un comble quand on sait que Donald Trump entend faire table rase du passé et se rapprocher de Vladimir Poutine qui, il y a peu, demandait aux responsables américains s'ils comprenaient ce qu'ils avaient fait au Proche-Orient.

L'écrivain algérien Kamel Daoud est peut-être celui qui résume le mieux cette ambivalence. Écoutons-le: «On ne naît pas djihadiste, on le devient: des livres, des chaînes TV, des mosquées, des désespoirs, des frustrations. Tout cela vient d’une matrice, d’un pays, un royaume: il ne sert à rien de lutter contre le Daesh mal habillé en Syrie et de serrer la main du Daesh bien habillé de l’Arabie saoudite.*»


*Trump’s Immigration Ban Excludes Countries With Business Ties, 27 janvier 2017

** Phrase extraite de Mes indépendances, un recueil de chroniques écrites entre 2010 et 2016. Édité par Actes Sud, il sort le 15 février. Nous aurons l'occasion d’en reparler prochainement dans l’édition papier de La Cité.

 

 
ÉditorialWilliam Irigoyen