Comment sauver le soldat ONU?

 

 

Luisa Ballin
9 janvier 2017

Jean Ziegler l’affirme: il faut sauver le soldat ONU. Dans son dernier ouvrage, le sociologue et écrivain suisse, ancien Rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation de l’ONU et actuel vice-président du comité consultatif du Conseil des droits de l’Homme, dresse un tableau sans concession de l’Organisation des Nations unies, tout en appelant à sa sauvegarde et à sa réforme. «L’ONU est anémique. Le rêve qui l’avait portée, l’instauration d’un ordre public mondial, a été brisé. Ses moyens de combat se révèlent largement inopérants face à la toute puissance des oligarchies privées. Et pourtant! Sous la braise apparemment mourante couve le feu. Dans les ruines de l’ONU couve l’espérance. C’est que l’organisation collective du monde sous l’empire du droit, ayant pour buts la justice sociale planétaire, la paix et la liberté, demeure l’ultime horizon planétaire. Il n’y en a pas d’autre», écrit-il.

Utopiste Jean Ziegler? Ou visionnaire, comme l’étaient Roosevelt et Churchill en jetant les bases d’une organisation susceptible de réguler les conflits internationaux et d’assurer le minimum vital aux peuples du monde? Les deux à la fois, le sociologue suisse faisant sienne la maxime du fondateur du Parti communiste italien, Antonio Gramsci: «Il faut allier le pessimisme de l’intelligence à l’optimisme de la volonté

Un spectre hante la diplomatie multilatérale, rappelle Jean Ziegler: celui du destin tragique de la Société des Nations (SDN), créée par les Alliés au sortir de la Première Guerre mondiale en vertu du Traité de Versailles, à l’initiative du président des États-Unis Thomas Woodrow Wilson. Mais si le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale signa l’acte de décès de la SDN, l’infatigable combattant suisse de 82 ans ne désespère pas de voir l’ONU être réformée, comme l’a proposé l’ancien secrétaire Général Kofi Annan en 2006, en préconisant notamment de supprimer le droit de veto des cinq membres permanents du Conseil de sécurité (États-Unis, Russie, Chine, Grande-Bretagne et France) dans les cas de crimes contre l’humanité.

Les raisons de l’optimisme de Jean Ziegler pour réformer l’ONU sont à rechercher dans les conséquences de la guerre qui dévaste la Syrie, les horreurs perpétrées par l’état islamique autoproclamé et le terrorisme djihadiste qui a frappé à Paris, Nice, Londres, Moscou, Munich, aux États-Unis et ailleurs. Et dans une «foi assumée», inattendue sous la plume d’un marxiste convaincu en la capacité des citoyens de prendre leur destin en main. «Aujourd’hui, une myriade de mouvements sociaux, de syndicats, d’associations, d’organisations non gouvernementales et d’individus appartenant à toutes les classes sociales, religions, nations, ethnies et formations politiques, de tous les coins de la planète, contestent radicalement l’ordre du monde... Je suis l’autre, l’autre est moi. Il est le miroir qui permet en moi de se reconnaître. Ou, comme le disent les Évangiles: Dieu est immanent, présent en chacun de nous, faisant de nous des êtres sacrés, à son image.» Et Jean Ziegler de conclure: «La société civile internationale munie notamment des armes d’une ONU régénérée, porte l’horizon d’un monde enfin humain

 

Paru dans l’édition de janvier 2017