Evelyne Sullerot, au nom des mères et des pères

 
COUV_INSOUMISE.jpg

Ekatérina Soldatova
17 novembre 2017

«J’ai voulu à la fois armer les femmes pour leur permettre d’avoir une vie libre et normale, et responsabiliser les hommes, les pères.» Cette citation de la féministe et sociologue française Evelyne Sullerot est peut-être l’expression la plus aboutie de son engagement et de sa générosité, des traits militants que le chroniqueur français Bernard Morlino a voulu sortir de l’ombre dans le recueil d’entretiens L’insoumise. Femmes, familles, les combats d’une vie, paru en 2017 aux éditions de L’Archipel.

«J’ai souhaité rendre compte de l’œuvre accomplie par cette figure importante de notre époque, afin que chacun mesure ce qu’il doit à celle qui a lutté tout au long de son existence pour améliorer celle des autres», indique-t-il. Une suite d’entretiens dans lesquels Evelyne Sullerot revient sur sa vie et partage ses analyses sur la famille, la contraception, l’avortement, mais aussi sur les avancées sociales et politiques.     

Les restrictions qu’ont connues les femmes avant 1965 nous paraissent aujourd’hui aberrantes: elles n’avaient pas le droit de travailler, pas de droit de vote et surtout pas le droit de contrôler leur fécondité. Si actuellement les inégalités se creusent sous le capitalisme mondialisé, en France, l’égalité entre hommes et femmes s’est quant à elle nettement améliorée et ce grâce à tout le travail effectué en amont de la loi Neuwirth, qui a institué le droit à la contraception, et à la loi Veil, qui a légalisé l’avortement en 1975.

Une lutte fondamentale durant laquelle Evelyne Sullerot a dû faire face à de nombreux opposants. Déjà, lors de la fondation de l’association Maternité heureuse avec la gynécologue Marie-Andrée Weill-Hallé, devenue plus tard le Planning familial, de nombreux affrontements ont eu lieu avec l’Église catholique et le Parti communiste. Puis l’arrivée des «féministes extrémistes», trop préoccupées par la question de l’avortement, a constitué un nouveau frein à la liberté, surtout sexuelle, des femmes.

«J’ai toujours été pour la liberté sexuelle de la femme du moment où l’on pratique une contraception, mais si elle n’a rien fait pour éviter un enfant, dire 'C’est à moi, je peux en faire ce que je veux', je ne suis pas d’accord» explique-t-elle.

Pour la sociologue et féministe française, la tâche ne consiste donc pas seulement à protéger la femme, mais également à penser au couple avec, comme souci premier, l’enfant. C’est donc «pour plus d’égalité entre les êtres» qu’Evelyne Sullerot a notamment combattu en faveur des pères: «Je m’apercevais qu’il y avait de nouvelles victimes qu’il fallait soulager: les enfants totalement séparés de l’un de leur parent

En ce qui concerne la société de l’avenir, les préoccupations d’Evelyne Sullerot se sont élargies davantage: «Je suis préoccupée par l’avenir des enfants dont les parents sont devenus des individualistes qui choisissent leur style de vie et ne privilégient pas toujours les responsabilités et contraintes familiales.» Pourvue d’un sens de l’équité, Evelyne Sullerot a été à la fois une féministe engagée et une humaniste dévouée. Pour reprendre son mot, une «éveilleuse».