Première arrestation d’un banquier suisse dans le cadre de l’enquête Petrobras

Le siège de la BSI à Lugano. © Alberto Campi / Archives

Le siège de la BSI à Lugano. © Alberto Campi / Archives

 

L’ex-directeur de la filiale zurichoise de la BSI a été arrêté fin novembre au Brésil. Il est accusé d’avoir blanchi 21,7 millions de dollars pour le compte de clients brésiliens impliqués dans le plus important scandale de l’histoire récente.

 

Federico Franchini 20 décembre 2019

À quoi pensait le banquier suisse D. M, lorsqu’il a demandé à son avocat de mettre sous pression La Cité? Le 17 octobre dernier, la rédaction a reçu un e-mail comminatoire réclamant que son nom soit effacé de l’un de nos articles publié en 2016. Nous y détaillons le système permettant à Eduardo Cunha, l’ex-président du Congrès des députés du Brésil, de cacher des pots-de-vin en Suisse. Système dans lequel, selon les documents en notre possession, D. M., vice-directeur des opérations latinos-américaines auprès de la banque BSI, aurait joué un rôle déterminant. «Mon client ne n’est jamais mêlé à un schéma de corruption par qui que ce soit, ni même duquel aurait participé Eduardo Consentino Cunha. Ainsi il n’est pas investigué et n’a pas été appelé à fournir des éclaircissements à la Police fédérale brésilienne, circulant librement au Brésil, où il n’existe aucun procès auprès de la justice fédérale auquel il doit faire face», prétendait son avocat, menaçant de nous poursuivre si nous ne donnions pas suite à sa requête.
Sauf que la réalité était tout autre. Le 3 octobre, quatorze jours avant l’envoi de l’e-mail comminatoire à la rédaction de La Cité, un mandat d’arrêt préventif avait été émané à l’encontre de D.M. Ignorait-il que la police brésilienne avait pour mission de le capturer? Comment expliquer son déplacement au Brésil, le 27 novembre dernier? À son arrivée à São Paulo, il a été cueilli par les agents: c’est le premier banquier suisse à se retrouver derrière les barreaux dans le cadre de l’enquête Petrobras.

Hier, mardi 19 décembre, le juge Sergio Moro a publié les accusations à l’encontre de David Muino. Le citoyen suisse est suspecté d’avoir blanchi 21,7 millions de dollars pour le compte de clients brésiliens impliqués dans l’affaire Petrobras. Tel Eduardo Cunha ou l’ancien dirigeant de Petrobras Pedro Augusto Cortes Xavier Bastos. Pour la justice brésilienne, la source de ces versements réside dans une concession pétrolière rachetée par Petrobras au Bénin. L’argent a servi à remplir les poches d’hommes politiques et fonctionnaires, un schéma de corruption rendu possible par l’entremise d'un réseau de sociétés offshore, Acona International Investments, Sandfies Consulting, ou encore Stingdale Holding. Au nom desquelles, des comptes ont été ouverts auprès de la BSI de Zurich, dont la gestion était assurée par David Muino. Et à travers lesquels ont transité les sommes détournées des caisses de Petrobras.
En sa qualité de directeur de la filiale zurichoise de BSI, selon les enquêteurs, D. M. aurait joué un rôle d’intermédiaire en collaboration avec la société panaméenne Mossack Fonseca. Le banquier aurait même trompé sa division compliance. Lorsqu’en 2012, l’alerte est donnée au sujet d’une transaction considérée à haut risque, les contrôleurs de la banque lui demandent des éclaircissements. D. M. se borne à répondre, laconiquement, que le versement est légal. Selon la presse locale, l’homme est actuellement détenu dans une prison de Curitiba, la capitale de l’État du Paranà. Il pourrait bientôt être libéré sous le versement d’une caution et le respect des règles de bonne conduite.

 
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