Un plan d’urgence pour recapitaliser la caisse de pension de l’État de Genève

Le Conseil d’Etat in corpore est venu présenter le projet de loi pour assainir la caisse de pension des fonctionnaires publics. © La Cité / 4 octobre 2017

Le Conseil d’Etat in corpore est venu présenter le projet de loi pour assainir la caisse de pension des fonctionnaires publics. © La Cité / 4 octobre 2017

 

Après l’échec de 2014, le Conseil d’État a présenté hier un projet de loi qu’il compte soumettre au peuple genevois d’ici le 30 juin 2018. L’objectif est d’assainir la Caisse de prévoyance de l’État de Genève (CPEG), fortement sous-capitalisée.

 

Charlotte Aebischer 5 octobre 2017

4,7 milliards! C’est la somme astronomique que le Conseil d’État genevois doit trouver pour remettre à flot la caisse de pension de ses fonctionnaires. La situation s’est passablement dégradée depuis la dernière tentative d’assainissement en 2014: le taux technique de la CPEG, fixant sa capacité à assurer ses prestations sur la durée, est passé de 3,5% à 2,5%. Une chute qui amplifie le problème structurel de la CPEG, à savoir sa sous-capitalisation. Celle-ci s’en voit augmentée de 1,3 million. Alarmé par ces chiffres, le Conseil d’État in corpore a présenté, hier, son plan d’action, lors d’une une conférence de presse. Au cœur de son projet: la recapitalisation immédiate de la caisse de pension.
François Longchamp, président du gouvernement, rappelle que la CPEG, issue d’une fusion entre la CIA et la CEH, compte environ 70 000 assurés, soit un cinquième de la population genevoise de plus de vingt-cinq ans. Voilà qui suffit pour rendre compte de la gravité du problème. Actuellement, la caisse puise ses ressources financières des cotisations de l’employé, de l’employeur (l’État) et du capital lui-même, c’est-à-dire des rendements de ce dernier. Mais «lorsque les rendements baissent, comme c’était le cas ces dernières années, le troisième cotisant ne peut plus combler les dettes grandissantes», dénonce le président du Conseil d’État.
Contrairement aux caisses d’assurance privées, qui doivent en tout temps pouvoir assumer un taux de couverture de 100%, les caisses publiques, peuvent, sous garantie de l’État, suivre un système de capitalisation partielle. Dans le secteur public, il peut donc y avoir ce qu’on appelle des «dettes tacites». Le 31 décembre 2016, sur les 20,6 milliards de francs d’obligation de prévoyance, 8,8 milliards étaient des dettes tacites. Soit un taux de capitalisation de 57,4%. Or, d’ici 2052, date limite fixée par la loi fédérale, le but est de parvenir à une couverture de 80%. François Longchamp constate: «Nous sommes très très loin de la barre de 100% qu’on peut trouver dans le privé, nous ne pourrons même pas atteindre le palier des 60%, attendu pour 2020.» Anne Emery-Torracinta, chargée du Département de l’instruction publique, de la culture et du sport, revient sur les mesures prises en 2014, prévoyant d’atteindre le seuil de 80% par paliers successifs. «Elles avaient impacté autant l’État, qui avait déjà bien mis la main au portemonnaie, que l’employé», déclare-t-elle. Le taux de rente avait baissé de 12%, et la durée de cotisation et l’âge pivot augmenté de deux ans. «À peine ces mesures étaient entrées en vigueur que la caisse montrait sa fragilité.» C’est ainsi que le taux technique a chuté de 3,5% à 2,5% en deux ans.

La conseillère d’État souligne tout de même que «la CPEG a fait un magnifique effort». Cependant, si aucune solution supplémentaire n’est trouvée rapidement, il est probable que l’objectif de rente soit diminué encore une fois de 10%. Le traitement assuré passerait alors de 60% à 54%. «C’est face à cette situation que le Conseil d’État a décidé qu’il était extrêmement urgent d’agir», insiste Anne Emery-Torracinta. La nécessité d’agir vite est triple, selon Serge Dal Busco, responsable du Département des finances. À côté de l’obligation légale d’introduire des mesures d’assainissement, il existe une obligation économique et morale. Économique pour les raisons citées ci-dessus, morale, car l’État «a un devoir de loyauté à l’égard de ses collaborateurs», explique le conseiller d’État.
Le plan d’action présenté par le gouvernement est aussi triple: recapitalisation immédiate à 80%, passage à la primauté des cotisations, et nouvelle répartition des cotisations employeur/employé (58%-42%). «L’objectif est le même, mais le chemin est différent, précise Antonio Hodgers, responsable du Département de l’aménagement, du logement et de l’énergie. Si on avait navigué par beau temps, on aurait pu continuer avec la structure de 2014, mais ce n’est pas le cas.» Pour permettre une recapitalisation immédiate à 80%, qui coûterait donc 4,7 milliards de francs à l’État, l’Exécutif cantonal propose trois voies. D’abord, il serait possible de recapitaliser par l’apport de liquide. Cependant, «la capacité de l’État à emprunter de l’argent est limitée à quelques centaines de millions tout au plus», indique Serge Dal Busco.

Une deuxième possibilité serait l’apport d’actifs, c’est-à-dire d’immobiliers, de terrains, etc. Or, ce moyen avait déjà été utilisé à hauteur de 800 millions de francs en 2013, comme le note le conseiller chargé des finances. «On va regarder ce qu’il reste dans les fonds de tiroirs.» La troisième option, sur laquelle mise le Conseil d’État, est celle du prêt simultané. Elle permettrait l’apport de 4 milliards, selon ses calculs. L’État de Genève injecterait donc l’argent à la caisse qui le lui prêterait simultanément. La caisse bénéficierait ainsi d’un taux de rendement égal au taux technique actuel, donc de 2,5%. Et l’État, lui, paierait un amortissement linéaire pendant quarante ans.
François Longchamp précise d’ailleurs que le plan d’action du gouvernement reçoit l’approbation de l’autorité de surveillance. Il cherche à rassurer: «Nous nous sommes inspirés de ce qui se passe dans d’autres cantons.» Dans celui de Berne, par exemple, où de telles mesures ont déjà été imposées avec succès. Reste qu’à Genève, le temps est compté. Le président du Conseil d’État prévient: «Nous devons être en mesure d’avoir une loi votée, voire un référendum, d’ici le 30 juin 2018