Sous la crise, la France

 

Fabio Lo Verso
7 juin 2017

Elle a lourdement pesé, pendant une longue décennie, sur le pays. Sur son économie comme sur le moral des Français. Au moment où Emmanuel Macron accède à la présidence, la crise s’estompe enfin. Du moins, les principaux indicateurs, et les plus fiables, montrent une nation se remettant en marche, après dix ans à l’arrêt. Rarement le slogan de campagne d’un candidat à l’Élysée aura autant été en phase avec la réalité de son pays.

Soumise à la pire crise après celle de 1929, la France semble avoir surmonté l’épreuve de la résilience, un mérite qui revient essentiellement aux ménages et aux salariés. Les prémices du redressement sont là, bien qu’elles s’annoncent encore timidement. Titillant l’état de sinistrose qui, après les attaques terroristes, a gagné la population.

Pour le nouveau président, ce frémissement n’annonce pas forcément des lendemains qui chantent. Chaque crise mondiale se solde à l’arrivée par un rétrécissement des acquis des salariés. Les soubresauts économiques et financiers modifient subrepticement la réalité de l’emploi. Deux effets sont constatés, la pression sur les salaires s’accentue et la précarité se généralise.

Pour les Français qui, dix ans après la crise, n’ont toujours pas retrouvé le niveau de leur pouvoir d’achat de 2007, le chemin n’est pas non plus dégagé. Emmanuel Macron n’ignore pas que, lorsque l’économie reprend des couleurs, l’érosion salariale n’est compensée qu’en partie. Si elle n’est pas redistribuée, et donc pilotée, la croissance finit par rémunérer davantage le capital que les salariés.

Sortie de la récession avant la France, l’Allemagne a connu, avant de se reprendre partiellement en main, les effets d’une redistribution ratée. Les petits boulots mal payés se sont multipliés et la précarité a explosé. Ce phénomène a également touché les «dragons» asiatiques, dont le Japon, coupables d’avoir maladroitement négocié leur sortie de crise en 1997. Crise qui se propagea, avec une moindre ampleur, à la Russie, le Brésil et l’Argentine.

Ces années-là se sont soldées par un fort accroissement des inégalités. Au terme de ce cycle, le monde comptait de plus en plus de châteaux et de bidonvilles. Les cours du pétrole faisaient du yo-yo. De moins de 10 dollars en 1998, le baril de brut se négociait à 32 dollars en 2000. Une nouvelle flambée des prix menacerait aujourd’hui une poussée inflationniste, ralentissant la consommation, principal moteur de la croissance des pays industrialisés. Grimpant à leur plus haut niveau, à plus de 50 dollars le baril, un mois avant la réunion de l’OPEP du 30 mai, les prix se sont stabilisés. Mais ce répit pourrait être de courte durée.

En prenant le pouvoir, le président Macron n’a plus de raison de dissimuler ses réelles intentions derrière le pragmatisme convenu du candidat. La France, qui connaît une embellie, a livré les clés de la maison à un jeune politicien inconnu il y a un an, qui a su, mieux que ses adversaires, parler à une France fragilisée et inquiète pour son avenir. C’est le message principal à retenir pour ce pays qui veut colmater dix années de fracture présidentielle.